Critique

Alors qu'ils font le tour de l'Asie, Jason Brody, ses deux frères, ses amis Daisy, Keith, Oliver et sa petite amie Liza décident de tenter un saut en parachute au-dessus de Rook Island. L'île ne figure sur aucune carte mais est bien connue des locaux, qui parlent d'une jungle magnifique et de grandes plages de sable blanc. Ce qu'ils ignorent est que l'île est occupée par des pirates qui massacrent et réduisent en esclavage la population locale. Alors qu'ils profitent de la plage, le petit groupe d'amis va donc vite se faire capturer par les pirates et leur chef Vaas et se faire emprisonner dans un de leurs camps dans l'attente de rançons. Après avoir réussi à s'échapper, Jason va devoir sauver ses amis et survivre aux pirates et à la faune sauvage de l'île. Malgré son absence d'expérience de la guerre et du combat, il n'aura d'autre choix que de tuer pour se sortir de cet enfer.

 

 

 

Far Cry 3 se déroule donc sur Rook Island, une île magnifique qui sera le siège de nombreux combats. Inspirée d'îles volcaniques, elle nous offre des reliefs impressionnants, des falaises escarpées et de très nombreuses grottes. Plages de sable fin, maisons au bord de l'océan, chaleur et palmiers : on s'imagine aussitôt sur une chaise longue, regardant le coucher du Soleil en buvant un cocktail local. On découvre une île à l'histoire riche et complexe comme en témoignent les nombreuses reliques rakyats, les lettres de soldats japonais ainsi que les ruines sous-terraines de temples chinois. Même les sports extrêmes sont à l'honneur avec de nombreux deltaplanes, jet-skis et buggies. Rook Island semble parfaite pour n'importe quel touriste qui y découvrirait de nombreuses choses et qui y passerait les meilleures semaines de sa vie. Mais c'est évidemment trop beau pour être vrai ...

En plus d'être un endroit de vacances paradisiaque avec une nature vierge, Rook Island est aussi corrompue par la guerre, la drogue et le trafic d'esclaves. Le jeu dans son ensemble nous fait douter de la frontière entre le beau et l'affreux. L'île et ses habitants semblent devenir un seul et unique personnage meurtrier et séduisant. Bien connu dans la littérature, le couple Eros-Thanatos prend tout son sens dans ces Fleurs du Mal du Jeu vidéo. On découvre sur cette île une faune et une flore extrêmement variées et d'une beauté rare. Rook Island est peuplée de nombreux prédateurs tout aussi dangereux que majestueux. Tigres, panthères, serpents, requins et alligators peuplent l'île, prêts à s'attaquer à toute proie passant à leur portée. En plus de ces prédateurs, on y découvre des plantes aux mille couleurs et aux effets psychotropes puissants, des locaux amicaux mais au passé mystérieux, une île parfaite pour passer des vacances et se détendre sur laquelle les balles fusent et les cris retentissent. Bref, il s'agit là d'une île dont la beauté n'a d'égale que le nombre de cadavres qui y sont enterrés. Et tout au long du scénario, Rook Island ne cessera de déteindre sur le personnage principal.

  

Cette dualité se retrouve ainsi en Jason, dans lequel deux personnages semblent s'affronter : d'un côté le pacifiste qui veut simplement sauver ses amis et de l'autre le guerrier qui veut libérer les Rakyats. La psychologie de ce personnage a été réellement recherchée, évoluant tout au long du jeu du Jason innocent et n'ayant jamais tiré sur personne à celui qui sait se battre et n'hésite pas à tuer. Ce passage d'un personnage à un autre est extrêmement progressif et semble se faire naturellement. Avec pour objectif initial de sauver ses amis, Jason deviendra un véritable guerrier sans même s'en rendre compte. Depuis la première personne qu'il va tuer sans le vouloir, en passant par le premier avant-poste qu'il va libérer, il sèmera petit à petit le chaos sur son passage en ne cherchant plus que la vengeance. Ces deux personnalités sont tellement présentes dans l'esprit du personnage principal que ce dernier finira par devoir choisir entre les deux. La dualité du personnage de Jason se répercute ainsi en deux fins alternatives : l'une d'une réelle qualité et qui termine l'histoire en beauté, l'autre d'une qualité beaucoup moins bonne mais qui a le mérite d'aider à comprendre ce qui a poussé Vaas à tourner le dos aux Rakyats.

  

Libre et en vacances puis emprisonné et en danger : Jason passe d'un monde à l'autre brusquement, sans qu'il aie eu le temps de comprendre quoi que ce soit. C'est finalement ce que l'on voit dès le début du jeu qui a sacrifié un peu du temps qui aurait facilité l'immersion afin de faire ressentir au joueur toute la soudaineté et la brusquerie de ce changement. C'est avec de nombreuses techniques de ce genre que l'on se retrouve dans la peau de Jason : on ne comprend pas ce qu'il se passe, juste qu'on doit fuir pour sauver sa vie. C'est donc un scénario particulièrement prenant que nous offre Far Cry 3. Qu'il s'agisse de brûler des champs de cannabis, de sortir d'un bateau en train de couler, de s'infiltrer dans un repère de mercenaires ou de retrouver des reliques vieilles de plusieurs siècles, les missions principales sont caractérisées par de l'action omni-présente et emmènent le personnage principal dans des situations inattendues et impressionnantes. Et en plus d'être captivant et original, si l'on tiend compte des éléments implicites, le scénario de Far Cry 3 se paye en plus le luxe d'être parfaitement cohérent.

 

La gestion des missions et le level design sont tout simplement parfaits. Chaque mission diffère des autres, et la très légère répétitivité de certaines missions secondaires est contrebalancée par leur nombre réduit. D'autre part, les missions obligent très rarement à voyager d'un bout à l'autre de l'île et même quand c'est le cas, le voyage est grandement facilité grâce aux avant-postes débloqués vers lesquels le déplacement rapide est possible. Les zones sécurisées subissent également très peu d'attaques de la part des pirates ou des mercenaires. Néamoins, le jeu garde un rappel de son prédécesseur : hors des zones sécurisées, les patrouilles ennemies forcent le joueur à rester discret ou à voyager lourdement armé. De même le danger des patrouilles est renforcé par la faune locale. En effet, cette faune apporte une part de gameplay inédite qu'est la gestion des prédateurs qui n'hésitent pas à attaquer tout humain à proximité.

Ainsi, si le joueur se fait attaquer, la libération furtive d'un avant-poste peut s'en trouver totalement anéantie. À titre d'exemple, il peut arriver d'entendre le grognement d'un léopard derrière soi alors que l'on est sur le point d'égorger discrètement un pirate. Malgré un repérage des lieux et la meilleure préparation possible, il y a toujours le risque qu'arrive quelque chose d'inattendu. En opposition, il est possible d'attirer quelques prédateurs vers un camp ennemi ou d'en libérer un de sa cage, et ainsi de se débarrasser de quelques pirates ou mercenaires sans révéler sa présence, ou au moins de causer un chaos conséquent dans la stratégie défensive de l'ennemi.

 

Pour ce qui est des assauts misant plus sur les dégâts que la finesse, le joueur se trouvera tout autant ravis : véhicules armés, mitrailleuses, lance-grenades, fusils à pompe et fusils d'assaut sont de la partie. L'armement disponible est ainsi d'une grande variété, mais ce sont surtout les améliorations possibles des armes qui peuvent être particulièrement utiles : silencieux, lunette de visée, magasin agrandi, etc. Tous les équipements possibles permettent une liberté d'approche extrêmement grande, même si la furtivité semble avoir été favorisée par les développeurs. Un système de gameplay peu courant permet ainsi de nombreuses utilisations de la machette pour tuer en toute discrétion. Déplacer un corps jusqu'à un endroit où il ne sera pas visible, tuer un pirate et lancer son couteau dans la gorge d'un autre, éliminations enchaînées, depuis le haut ou le bas : peu importe la situation, les techniques d'élimination permettent presque toujours de se débarrasser des gêneurs sans attirer l'attention sur soi. Ces techniques d'élimination démontrent un vrai travail de recherche fourni par les développeurs afin d'atteindre ce résultat naturel, original et efficace. En outre, ces techniques d'élimination discrète restent disponibles même après s'être fait repéré. En effet, si les pirates savent que le joueur est présent, il suffit à ce dernier de se déplacer furtivement pour que ses ennemis ne connaissent plus sa position exacte et foncent droit sur le dernier endroit où ils l'ont vu. De cette manière, il est toujours possible d'attaquer un ennemi par derrière et de l'éliminer rapidement. D'autre part, Far Cry reste conforme à ses habitudes en proposant une intelligence artificielle d'une qualité surpassant largement celle des autres jeux. Stratégies défensives, réactions différentes selon les aptitudes de chaque unité, prise en compte de l'environnement et échanges oraux pour se coordonner : tout ceci rend les assauts particulièrement réalistes.

 

Pour ce qui est de l'accompagnement du scénario et du gameplay, on découvre une bande-son originale, convaincante et sublimant les missions et les moments forts du scénario. Ainsi, Far Cry 3 n'hésite pas à sortir du lot en reprenant des titres tels que Make it Bun Dem ou encore Paper Planes, et cela lui réussit parfaitement bien. Toujours concernant la partie purement sonore du jeu, on ne peut qu'applaudir le travail qui a été fournit lors du doublage. Loin des habituels personnages de jeux vidéo sans charisme, on découvre ici des voix naturelles, faisant passer chaque émotion sans difficulté. Un travail hors du commun qui fera oublier les mouvements des lèvres ne correspondant pas toujours très bien aux paroles.

Pour finir, mis à part quelques rares cinématiques, l'ambiance de "folie" officiellement recherchée est malheuresement totalement absente du jeu. En effet, c'est le personnage qui était sensé l'incarner qui fait défaut. Malgré ce qui avait été officiellement annoncé et malgré l'impression que donnait la websérie The Far Cry Experience, c'est un Vaas parfaitement sain d'esprit, tout au plus excentrique, que l'on découvre dans le jeu. De plus, alors qu'il était représenté partout, encore et encore et semblait bien plus présent médiatiquement que l'agent Huntley, Hoyt ou Citra, Vaas n'est finalement pas aussi impliqué dans le jeu que ce que l'on aurait pu espérer ; ce qui est d'autant plus dommage quand on voit le magnifique travail d'acteur de Michael Mando.

 

 

 

Far Cry 3 est donc un jeu aux multiples talents qui se complètent les uns les autres. Une psychologie de personnage recherchée et un scénario bien trouvé sont mêlés à un excellent doublage et à un level design de haute voltige. Si tout ceci est déjà suffisant pour offrir un degré d'immersion encore jamais atteint, la qualité du jeu est encore améliorée par l'ambiance singulière de l'île et les systèmes de gameplay originaux et intuitifs. Toutes ces choses font de Far Cry 3 une réussite magistrale.

Critique de Far Cry 3 par Edward Cage

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19 / 20
Scénario : 19/20 • Ambiance : 18/20 • Immersion : 18/20

Les + :

  • Le scénario
  • Une excellente IA
  • Aucune répétitivité dans les missions principales
  • L'évolution psychologique du personnage principal
  • Action omni-présente dans les missions principales
  • Excellents doublages
  • La bande-son
  • Les techniques d'élimination
  • Une île magnifique
  • La possibilité d'améliorer quasiment toutes les armes
  • La gestion des prédateurs
  • La variété incroyable de la faune et de la flore

Les - :

  • Vaas est loin d'être aussi présent que ce à quoi on s'attendait
  • Un protagoniste quand même assez naïf
  • Devoir activer les pylônes radio pour voir la carte
  • La modélisation inutile d'îles pour faire office d'horizon